Cela fait déjà quelques temps que je brasse ma propre bière et je me rends compte que je ne l’ai jamais mentionné sur le blog.
Voici donc pour ceux qui sont curieux ou aimeraient se lancer comment on procède, avec le minimum de matériel requis, pour obtenir 4 l de breuvage, soit 12 bouteilles de 33 cl, en travaillant dans sa cuisine. Il y aura deux parties, ceci étant la première, car la bière se fait en deux temps.
Globalement qu’est-ce que de la bière ? De l’eau, du malt d’orge (orge torréfié), du houblon, et de la levure. Et c’est tout.
L’ingrédient principal c’est le malt, des grains d’orge (on utilise aussi rarement du blé) torréfiés (chauffés) à divers degrés. Ces divers degrés de torréfaction sont mesurés sur une échelle appelée EBC, qui en gros va de 3 pour un Pilsen jusqu’à 1000 pour le Chocolat. Voici un mélange de malts utilisé pour un brassin, on voit bien les différentes torréfactions.
Pourquoi utiliser différents malts ? Parce qu’ils apportent des choses différentes. Les malts de base, aux indices EBC faibles, sont nécessaires pour l’apport de sucres pour la fermentation, et permettent aussi une tenue de la mousse de par les protéines qu’ils contiennent. Les malts aux EBC intermédiaires (dans les 100) apportent des saveurs de caramel et une couleur cuivrée (on les favorise pour les ambrées). Les malts fortement torréfiés comme le Chocolat donneront des arômes intenses et une couleur tirant vers le brun (donc des bières brunes). Il faut respecter certaines règles pour obtenir une bière équilibrée, je proposerai quelques recettes dans un autre article.
Les malts sont disponibles sous plusieurs forme, du grain entier à l’extrait liquide, en passant par le malt concassé. Je préfère utiliser des grains qui ont plusieurs avantages : large choix, prix bas, longue conservation. Bien sûr il faut pour cela avoir un moulin, on en reparle.
Le deuxième élément primordial ce sont les houblons. Ils ont plusieurs fonctions, principalement d’apporter des arômes, de l’amertume, et d’aider à la conservation. Si le choix des malts reste assez simple, celui des houblons, et leur dosage, est tout un art. En gros on distingues les houblons aromatiques et les amerisants, sachant qu’en fonction de la durée d’infusion certains houblons peuvent faire les deux ! Un indice alpha permet en partie de les identifier, les valeurs faibles étant plutôt des aromatiques à infuser longtemps et les élevées des amerisants à infusion courte. Après il faut tester 😉 J’utilise des houblons en pellets, qui se congèlent très bien et permettent une utilisation progressive. Voici un houblon en pellets. Oui on dirait des croquettes pour chat. Ou des crottes. On utilise généralement un houblon aromatique et un houblon amerisant par recette, qui peut être le même avec deux durées d’infusion différents.
Le troisième « ingrédient » est la levure, utilisée pendant la phase de fermentation pour transformer les sucres en alcool, et produire du gaz carbonique qui (outre réchauffer la planète) donnera le pétillant lors de la refermentation en bouteille. Là encore il existe plusieurs sortes de levures, fonctionnant à différentes températures, produisant plus ou moins de turbidité, et pouvant en plus agir sur les arômes. Pour la fermentation non contrôlée à la maison il existe heureusement des valeurs sûres comme la T-58 ou US-05, disponibles en sachets faciles à conserver et utiliser.
Le dernier ingrédient c’est celui majoritaire : l’eau. Pour faire de la bonne bière il faut de la bonne eau. J’ai la chance d’avoir à la maison une eau du robinet sans calcaire et exempte de goût parasite, sinon cela devient compliqué.
Nous avons donc vu les ingrédients : malts, houblons, levure, eau. Passons au matériel.
Commençons par quelques récipients. Pour la fermentation une dame-jeanne de 5l, et pour la préparation un faitout (marmite) de 8l minimum (10 ici), idéalement avec un couvercle. Je recommande un deuxième faitout pour simplifier les opérations (voir plus loin).
Ensuite le kit de la première partie est composé des éléments suivant.
Un barboteur et son bouchon percé pour la fermentation. Une « chaussette » et une pince à linge pour l’infusion des houblons. Un entonnoir pour transvaser, un thermomètre de cuisine pour contrôler les températures (on mesurera entre 60 et 80). Enfin pour stériliser j’utilise du Chemipro OXI, pratique, peu coûteux, et sans rinçage, je n’ai eu aucune mauvaise surprise en une dizaine de brassins.
Il faudra aussi une balance de cuisine précise au gramme. En effet on va mesurer entre 5 et 20 g pour les houblons, 16 g pour le Chemipro par exemple. Exit donc la balance qui va jusqu’à 5 kg.
Bien, il est temps de s’y jeter.
Je commence par mettre 4,5 l d’eau à chauffer (71 degrés), et pendant ce temps je concasse le mélange de malts vu plus haut avec un moulin manuel.
Attention il faut le régler correctement pour que les grains soient cassés en plusieurs morceaux, sans faire de la poudre. Le résultat doit ressembler à ça.
Une fois l’eau a 71 degrés, on ajoute le malt concassé.
Cette première étape, appelée empâtage, dure 1 h pendant laquelle on gardera la température entre 62 et 68 degrés. A ces températures des enzymes vont extraire les sucres des grains de malt pour les transférer dans le moût. Avec un couvercle on peut généralement se passer de chauffe, l’amylase générant un peu de chaleur. Vérifier de temps en temps la température (en en profitant pour remuer), et remettre un petit coup de feu délicat si nécessaire.
Un peu avant la fin de l’empâtage faire chauffer 2,5 l jusqu’à 78 degrés.
Une fois l’heure d’empâtage écoulée, séparer le liquide que l’on appelle le moût, de ce qui reste des grains que l’on appelle les drêches. J’utilise pour cela une simple passoire posée sur mon deuxième faitout.
Rincer alors les drêches avec l’eau à 78 degrés pour finir d’extraire tout ce qui est intéressant.
On a alors environ 6,5 l de moût (0,5 l étant restés dans les drêches), c’est parti pour l’ébullition d’une heure et le houblonnage. On place le houblon aromatique dans la chaussette que l’on infuse généralement dès le départ (pendant 60 mn).
Vous avez compris l’utilité de la pince à linge. On met un chrono pour penser à ajouter le houblon amerisant, généralement à 20 mn de la fin, donc dans 40 mn.
Au bout d’une heure le liquide a réduit un peu, et tout est stérile puisque qu’on a largement ébouillanté. A partir de ce point il est critique de ne pas contaminer le moût ou les récipients, donc on fait un bon bain de Chemipro à l’intérieur de la dame-jeanne, à l’entonnoir, au barboteur et au bouchon. Je mets 4 l d’eau chaude dans la dame-jeanne, 16 g d’OXI, je mélange et laisse agir quelques minutes, puis je remplis un récipient en vidant la dame-jeanne et je mets le reste du matériel à tremper. Rappel : on égoutte mais on ne rince pas.
La partie la plus pénible arrive, il faut faire passer la température du moût de 100 à 24 degrés avant de pouvoir ajouter la levure. Je place le faitout dans un bain d’eau froide, on peut y ajouter (dans l’eau froide) des packs surgelés en été. En hiver l’eau du robinet est généralement assez fraîche.
On remue le faitout et le moût, on change l’eau si elle se réchauffe trop, et on finit par atteindre les 24, pfiou. Le but est d’aller assez vite pour éviter une contamination par des bactéries qui passeraient par là.
Ensuite on transvase dans la dame-jeanne, je réutilise la chaussette pour filtrer au passage et retenir le plus gros des particules.
Ne pas trop forcer sur la hauteur de liquide dans la dame-jeanne, il faut laisser de la place car une mousse va se former lors de la fermentation. J’essaie de ne pas dépasser le début de la réduction du diamètre, on ajustera lors de la deuxième partie.
On n’oublie pas d’ajouter la levure, directement dans la dame-jeanne une fois remplie, pas besoin de mélanger elle fera ça toute seule.
On place le bouchon et le barboteur à moitié rempli (une des deux chambres ou la moitié de chaque), avec de l’eau stérilisée.
Et voilà, plus de stress de contamination (jusqu’à la mise en bouteilles). On place la dame-jeanne à l’abri de la lumière et autour de 20 degrés (pas la cave en hiver ni l’étage en été sinon les levure ne travailleront pas ou mourront).
La fermentation débute en quelques heures, blop blop des bulles sortent régulièrement, elle est intense 24 à 48h puis diminue jusqu’à ne plus être discernable. On laisse en fermentation 2 semaines pour être tranquille et parce que c’est pratique comme repère, mais 10 jours sont suffisants si on est pressé.
Une épaisse couche de lie se forme dans le bas de la dame-jeanne, c’est normal, on prendra soin de ne pas la remuer.
On se retrouve pour la deuxième partie.